Bill Viola est l'un des grands pionniers de l'art vidéo, depuis les seventies. The Reflecting Pool (1977-1979) accomplit en sept minutes, tel un manifeste, l'exploration la plus radicale des pouvoirs propres de la vidéo. Un bassin, entouré de végétation. Un homme (Viola lui-même). Il saute, et reste suspendu en l'air. Son corps s'efface, lentement. L'eau frémit, la lumière varie. L'homme réapparaît, nageant, sort, s'en va. Le bassin de Viola est à l'art vidéo ce que la pomme est à Newton : un miroir, qui, comme ceux de Cocteau, réfléchit avant de parler. Et que dit-il ? Tout corps plongé dans cette piscine subit une poussée théorique proportionnelle au nombre des effets techniques qui la remplissent. On y entre en retard, on en sort en avance : changement d'ère, changement d'art.
Jean-Paul Fargier, critique d'art, enseignant à l'université Paris VIII, réalisateur de documentaires télévisuels, est l'un des meilleurs connaisseurs de la vidéo. Vif trublion à la Duchamp, il livre ici une approche échevelée et décoiffante de cette bande cruciale et de ce qui fonde l'art vidéo. Chemin faisant, il traverse toute l'œuvre de Viola, sans négliger quelques zigzags du côté des autres vidéastes pionniers. Un essai à la fois bien personnel et très essentiel sur ce "huitième art".
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