"Le Rebelle (I948) de King Vidor est pour beaucoup de cinéastes le film de chevet. L'architecte qui dynamite des HLM conçues par lui, parce que les commanditaires ont défiguré son projet, évoque évidemment le cas de tous ces cinéastes qui n'ont pu bénéficier du fameux final cut. Le dynamitage du Rebelle a profité d'un nouveau regain d'actualité avec les implosions récentes de HLM en banlieues. Ou : Gary Cooper à La Courneuve... C'est un film malin, savant, glacé, hyperpro, mais aussi un film abrupt, brutal, cinglant, condensé, convulsif, déchiqueté, déjanté, délirant, discrépant, érotique, étourdissant, fascinant, frénétique, grossier, haché, hystérique, mal poli, romantique, surréel, torride, trépidant. Un objet barbare, un météorite. S'il ne fallait conserver de toute la production hollywoodienne qu'un seul film, ce serait celui-ci. Je l'ai vu une bonne douzaine de fois, et j'ai peur de le regarder à nouveau, tant il m'émeut. En évoquant le comment, je dirai pourquoi le Rebelle demeure l'une des plus sublimes créations du génie humain". (Luc Moullet)
Luc Moullet, né en I937, a été critique de cinéma, notamment aux Cahiers du cinéma (depuis 1956), il a écrit sur le travail des grands comédiens un livre marquant, la Politique des acteurs (1993). Il est aussi producteur, scénariste, acteur... et réalisateur, de 1960 à 2008, de trente-huit films, de tous métrages, dont Genèse d'un repas (1978), film culte sur la mondialisation et la Comédie du travail (1987, Prix Jean Vigo). C'est à lui que l'on doit la phrase célèbre : "La morale est affaire de travellings".
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