Pourquoi le fantôme hante volontiers les zones floues de l’image) ou vers la matière (vers le pictural). Il est sensation, translation de la vitesse ou des mouvements du corps à l’image, glissement de la vision vers le toucher, perception du chaos extérieur. Mais il est aussi manifestation de l’image mentale, du rêve, de la réminiscence. Le flou inscrit enfin l’image de film dans un champ artistique ouvert : flou d’ensemble, il brouille la frontière entre cinéma et peinture ; flou d’apparition (de mise au point), il renvoie le cinéma à ses origines photographiques, argentiques – à l’émergence progressive de l’image sous l’effet du révélateur – et à l’orchestration du désir de voir. Dans la mesure où elle exclut toutes les formes irréalisées de l’image floue, l’image nette n’en est-elle pas, au bout du compte, une version appauvrie ?
Martine Beugnet est professeur en études visuelles à l’université de Paris 7 Diderot. Ses recherches récentes ont porté sur l’intermédialité et le cinéma, et sur le cinéma, l’art vidéo et l’étrangeté technologique.
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