Avec Le Repas de bébé (1895), le cinéma a commencé par capter le vent, mais il ne l’a pas capturé. Ses images se sont découvert comme par accident une affinité profonde avec ce mouvement sans forme, qui se laisse voir en épousant fugacement des formes qui ne sont pas siennes. En détournant un peu un terme de botanique, on pourrait ainsi dire qu’il y a une anémophilie du cinéma (un amour du vent, un attrait pour le vent). Mais ce vent n’y souffle pas dans une seule direction ni toujours avec la même intensité. Certains films s’emploient ainsi à dompter le vent, à le soumettre à diverses exigences. D’autres, au contraire, continuent de se laisser sciemment inquiéter par cette force indomptable. Mais les uns comme les autres témoignent qu’il y a au cinéma, vivace et multiple, une poétique du vent. C’est elle qu’il s’agit d’évoquer ici, de Michelangelo Antonioni à David Griffith, des frères Lumière à Jonathan Glazer, de Jean Epstein à Ingmar Bergman, de Takeshi Kitano à Buster Keaton, en passant par Joris Ivens, Victor Sjöström ou Yasujiro Ozu, car le vent, facétieux, désordonne les chronologies.
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