Brûleur - Au Maroc, nom donné aux personnes qui, dans la clandestinité, veulent franchir la frontière de l'Europe (« brûler la frontière ») en traversant le détroit de Gibraltar, le plus souvent à bord d'embarcations sommaires.
Entre Tanger et Gibraltar, entre Ceuta et Tarifa, des gens partent, des gens passent. Venus du Maroc, de plus bas en Afrique ou d'ailleurs (Turquie, Asie ou Tchétchénie), ils quittent ville ou village, famille, maison (voire travail), laissent tout derrière eux et parfois leur avenir, franchissent le détroit dans la clandestinité, en désespoir de cause, aimantés par l'Occident. Ce sont les « brûleurs », ceux qui lâchent et risquent tout (le détroit fait trois victimes par jour), ceux qui « brûlent » la frontière, comme on dit là bas, mais brûlent aussi leurs papiers, sacrifiant leur identité à l'espoir de renaître ailleurs, différent, une fois franchis les remparts sans cesse plus hostiles de l'Europe. Ces immigrés clandestins, le photographe Thomas Chable les a suivis et accompagnés régulièrement, pendant plusieurs années. Itinérant, intimiste, engagé, libre pour sa part mais contraint à la discrétion, pas vraiment reporter, il nous livre la chronique de leur quotidien, retrace depuis ses origines ce désir d'exil, évoque l'histoire tendre, tragique ou anonyme - comme le fait aussi Aziz Chouaki, dans un texte inédit qui accompagne les photos présentées ici - de ceux qui tentent enfin de choisir leur propre destin.
Thomas Chable a déjà publié Odeurs d'Afrique. La Lettre volée/Contretype, 2001.
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