Dans Lumière d'été (1943), Jean Grémillon livre les clefs de sa poétique la plus secrète. Cinéaste du mystère ontologique, Grémillon s'est rarement confié avec autant de clarté que dans cette oeuvre atypique. Jalon essentiel de sa maturité, ce film tout de contrastes demeure moins fréquenté que les deux chefs-d'oeuvre qui l'encadrent, le tragique Remorques (1939-1941) et l'humaniste Le ciel est à vous (1944). C'est aussi qu'il relève davantage de l'essai, de l'expérience réflexive. Conçue comme une écoute des résonances de l'oeuvre, la présente étude tente de cartographier son paysage esthétique, de révéler sa logique rigoureusement musicale et de suggérer ses discrets arrière-plans fantastiques, autant d'ouvertures vers un réalisme magique, coeur battant d'un cinéma de poésie au croisement de l'immanence et de la transcendance. Lumière d'été est l'oeuvre d'un artiste-artisan indépendant des modes et des courants, distinct du Renoir de La Règle du jeu (1939) comme du Carné des Visiteurs du soir (1942), auxquels il répond par une critique interne. Un esprit libre, porté par une haute idée de son métier, visionnaire d'un art sonore encore à venir. Parce qu'il relie par sa mise en scène initiatique l'homme au cosmos, dans ses films vivants Jean Grémillon agrandit le monde.
|