Frappé par le peu d'échos qu'eut en France en janvier 2014, la mort de Miklós Jancsó, je me suis interrogé sur les raisons de ce désintérêt, ces réactions conventionnelles et polies, contrastant avec le fervent accueil critique réservé dans les années 70 du siècle dernier chacun de ces films. Il m'est alors apparu que, depuis la fin des années 80, aucun de ses films n'avait été vu hors de Hongrie, sinon pour quelques-uns seulement, dans de rares festivals. Or, il avait, à partir de 1990, réalisé huit longs métrages et de nombreux courts et moyens métrages, que j'avais eu la chance de voir à Budapest, lors des festivals annuels du cinéma hongrois. Il m'est donc apparu nécessaire d'évoquer, aussi précisément que possible, cette période de sa vie, quelque difficulté qu'il pût y avoir à parler de films que personne n'a vus. La solution me parut être de rattacher cette part immergée de l'iceberg (il réalisason dernier court métrage, contribution à un film collectif, à l'âge de 90 ans) à son oeuvre connue, au moins de ceux qui s'intéressaient au cinéma dans les années 70, car il est vrai que ces films ont été depuis rarement rediffusés et que même son nom est inconnu des nouvelles générations. Revoyant, grâce à la richesse des archives cinématographiques hongroises, tous les films qui pouvaient m'être communiqués avec sous-titrages (français ou anglais), j'ai découvert la profonde unité de sa filmographie, sur soixante années. En effet, il en ressortait que c'était, à travers l'histoire de son pays, souvent sujet de ses films, que Jancsó avait écrit son autobiographie, celle d'un homme engagé dans les luttes de son temps. Et que donc, il fallait du même coup revoir les jugements, même les plus favorables, portés sur lui au moment de sa gloire passée, jugements qui mettaient d'abord en avant les qualités formelles de ses film, le « style Jancsó ». E. B.
|